Reportage choc: les conditions de vie des Juifs d'Europe au temps d'Hitler*
Dictionnaire de la Shoah: Propagande antisémite

Propagande antisémite :
Le dernier quart du XIXe siècle voit la constitution d’une véritable propagande antisémite en Europe, avec ses thèmes récurrents, ses structures spécifiques, ses codes et sa rhétorique à la faveur d’un double processus : l’Apparition de formations politiques de masse, ligues et parti, intégrant le discours antijuif au cœur de leur doctrine; l’avènement de l’ère des médias avec l’apparition d’une presse populaire à grand tirage et d’éditions bon marché.  Àl’âge de la Révolution industrielle et de l’urbanisation, de nombreuses formations politiques en France, en Allemagne, en Europe centrale et orientale font souvent de l’antisémitisme corollaire de leurs combats,  L’antisémitisme devient l’un des thèmes récurrents d’un nationalisme défensif dans un contexte où certaines catégories sociales, en particulier les classes moyennes, se sentent menacées.  Doctrine et mythe pour l’action, l’antisémitisme se répand dans la société grâce à la propagande.  En France, Édouard Drumont joue un rôle majeur dans la diffusion de telles idées.  En avril 1886, il publie la France juive, véritable succès de librairie.  En avril 1892 est créée la Libre Parole, avec pour sous-titre : «La France aux Français», auquel s’Ajoute la Libre Parole illustrée, deux titres de presse au service du combat antisémite.  À la même époque d’autres journaux antisémites se diffusent en Europe centrale et orientale.

L’affaire Dreyfus représente un moment d’intensification de la propagande antisémite : textes, caricatures, vignettes, cartes postales apparues dans le camp des antidreyfusards constituent un matériau amplement réutilisé par la suite en France et à l’étranger.  Quelques années plus tard, les Protocoles des Sages de Sion sont fabriqués par un faussaire antisémite, le Russe Mathieu Golovinski de l’Okhrana.  Ce pamphlet, supposé révéler l’existence d’un complot juif de destruction des sociétés chrétiennes, traduits dans de nombreuses langues, connaît un succès considérable : d’abord en Russie, au début du XXe siècle puis, à partir des années 1920, dans la plupart des pays d’Europe.  Aux États-Unis, l’industriel antisémite Henry Ford, en 1920, relaye les accusations des protocoles dans The international jew. The World’s Foremost Problem, nouveau succès de librairie et cité par Hitler dans Mein Kampf.  Pour de nombreuses formations d’extrême droite antisémite, les Protocoles s’imposent, pendant plusieurs décennies, comme un outil de propagande privilégié, le caractère manichéen du texte et le flou contextuel du document favorisant sa pérennité.

Au cours des années 1930, l’intensification et le perfectionnement de la propagande par les régimes totalitaires donnent un nouvel élan au discours antijuif.  L’Allemagne devient l’épicentre de la propagande antisémite, le gouvernement national-socialiste s’efforçant d’encourager la diffusion de ses idées en Europe.  Par le relais de Weltdienst («Service mondial»), financé par le ministère de la Propagande puis par le NSDAP, le Reich devint bientôt le point de ralliement des antisémites d’Europe.  Des voyages en Allemagne sont organisés qui prévoient la rencontre avec des leaders nazis, la visite de camps de concentration ou encore du musée antijuif de Nuremberg.

Images et textes au service de la haine antisémite.  La presse raciste et antisémite connaît un essor sans précédent.  Certains journaux tels que le Der Strümer en Allemagne ou la Difes della Razza (la différence de la Race) en Italie, à partir de 1938 se font une spécialité en matière d’iconographie raciste et antisémite.  Les expositions, comme celle du Juif errant présentée en Allemagne en 1937, sont l’occasion d’édition de catalogues, d’affiches et d’un matériau diffusé dans toute l’Europe.  La gigantesque machine de propagande mise en place par l’Allemagne national-socialiste favorise la circulation des thèmes et d’images pas nécessairement plus violentes que ceux qu’avait connu l’Europe de la fin du XIXe siècle mais dont la signification n’est plus la même dès lors que les Juifs sont ramenés à une condition de parias.  Dans un contexte de persécution, la propagande antisémite contribue donc à banaliser et légitimer les violences faites aux Juifs.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, dans l’Europe occupée, les Allemands mettent en place une propagande plus offensive que jamais.  Si le dessin de presse et la caricature continuent d’occuper une place prépondérante, le cinéma et la photographie ne sont jamais absents.  L’Allemagne fut l’un des rares régimes à porter l’antisémitisme à l’écran à travers de films de fiction à l’instar du Juif Süss, de Veit Harlan (1940), qui aurait été vu par vingt millions de spectateurs dans l’Europe occupée.  Les photographies sont aussi utilisées pour tenter de démontrer l’existence d’une race juive, certains anthropologues nazis tels Eugen Fischer ou Hans Günther ayant ouvert la voie.  À partir de 1914, la presse antisémite utilisa souvent des portraits de Juifs miséreux et faméliques photographiés dans les ghettos d’Europe centrale pour établir la décadence de la «race juive». 

La charge haineuse des images ou des textes s’ajuste, en général, aux traditions locales d’antisémitisme et lorsqu’ils le peuvent, les Allemands utilisent le relais de propagandistes nationaux.  Dans la France occupée, la propagande du régime de Vichy –orchestrée par les services d’information de l’État français et l’entourage du maréchal et relayé par la Légion française des combattants et diverses structures paraétatiques- se surimpose <a celle de l’occupant.  Présent en zone Sud comme en zone nord, l’antisémitisme est particulièrement violent en zone occupée, qu’il s’exprime dans la presse collaborationniste, par voie d’affiches ou dans les documentaires.  L’exposition le Juif et la France, inaugurée à Paris au Palais Berlitz (200 000 visiteurs) le 5 septembre 1941 marque un temps fort dans l’intégration des traditions françaises et allemande en matière de propagande antisémite.  Pendant la Seconde Guerre mondiale, sur le front de l’Est, affiches, tracts et images antijuives deviennent de véritables adjuvants de l’extermination.